Gilles Geneviève : Discussions philosophiques pour enfants en ZEP
Pistes...
[LA PHILOSOPHIE EST-ELLE UTILE ?] [LA PHILOSOPHIE A L'ECOLE] [NOTRE EXPERIENCE] |Accueil] |Sommaire] [Biblio] [Bio] [Liens] [Annexes] [Agenda]

 

 Quelques pistes pour animer une discussion philosophique :

Une des difficultés majeures rencontrées lors de la mise en place des activités de philosophie pour enfants a été, on l'a vu, de doser correctement le nombre et le contenu des interventions de l'animateur. Nul doute que, d'une façon générale, l'attitude à adopter est celle qui vise à parler le moins possible. La discussion doit plutôt s'instaurer entre pairs. Quand des interventions sont nécessaires, on aura intérêt à s'inspirer des méthodes d'écoute active définies par Carl ROGERS et reprises, avec un certain succès, par Thomas GORDON (voir la bibliographie). Plus concrètement, la littérature nous propose de nombreuses pistes pour aider les enseignants à animer un débat qui se rapproche le plus possible d'une discussion philosophique. On en trouvera ci-dessous une sélection, proposées par Philippe MEIRIEU, Michel TOZZI, Oscar BRENIFIER et Marie-France DANIEL. Le même Michel TOZZI, et Jean-Michel LAMARRE, proposent également des tableaux clairs permettant d'analyser les différentes interventions des élèves. Il va de soi que ces outils peuvent être utilisés "à chaud", au court du débat lui-même, comme au cours d'une analyse différée, à l'aide d'un enregistrement (Les références complètes des ouvrages utilisés sont dans la bibliographie).

Certaines des questions et relances proposées ci-dessous, par Philippe MEIRIEU et Marie-France DANIEL notamment, méritent qu'on s'y attarde. En effet, nous tentons de faire en sorte que nos élèves développent une attitude réflexive sur la langue, et plutôt que de dire : « tu vois bien qu'il s'agit là de la position inverse...», (MEIRIEU) dans laquelle le maitre porte implicitement un jugement sur les paroles prononcées, ou, au moins, sur leur cohérence interne, nous préférons des formules générales, faisant appel à la communauté de recherche comme : « Ce que vient de dire votre camarade est-il en contradiction ou en accord avec des paroles prononcées auparavant ? »

De même, on peut se demander s'il est préférable, à terme, que ce soit le maitre qui reformule systématiquement (DANIEL : "Si je comprends bien, tu es en train d'affirmer que ..." ou MEIRIEU : "si je te comprends bien, il me semble que tu veux dire...") ou s'il vaut mieux inciter les enfants à le faire. On ne peut certes pas faire comme si le maitre n'était plus l'adulte de référence. En ce sens, le fait qu'il reformule lui-même n'est sûrement pas à négliger dans l'optique d'un développement de l'estime de soi. L'effort d'écoute et de compréhension que nécessité la reformulation peut être gratifiant ou valorisant, pour certains enfants et/ou dans certaines circonstances, quand c'est un adulte, en particulier un enseignant, qui le fournit. Là encore, probablement, il ne s'agit pas d'adopter une attitude dogmatique, mais de travailler "au feeling".

On trouvera ci-dessous les citations suivantes :

1 :  L'écoute active (Thomas GORDON)

2 :  Relances à employer (Philippe MEIRIEU)

3 : Les attitudes, les relances (Michel TOZZI)

4 : Règles de la discussion philosophique (Oscar BRENIFIER.)

5 : Un outil pour analyser les débats d'élèves (Michel TOZZI)

6 : Distinguer l'argumentation de la persuasion et de la démonstration (Jean-Marc LAMARRE)

7. Des questions... (Marie-France DANIEL)

1 :  L'écoute active (Thomas GORDON) :

"Dans l'écoute active, le récepteur essaie de comprendre ce que ressent l'émetteur, de saisir ce que son message veut dire. Ensuite, il transforme sa compréhension dans ses propres mots et retourne le message à l'émetteur pour vérification. Le "receveur" ne transmet pas son propre message, comme une évaluation, une opinion, un conseil de raisonnement, une analyse ou une question. Il retourne seulement ce qu'il pense être le véritable sens du message de l'émetteur, rien de plus, rien de moins."

2 :  Relances à employer (Philippe MEIRIEU) :

“[...] le dialogue permet [...] la confrontation, la perception des contradictions et des positionnements réciproques... surtout quand on utilise, comme SOCRATE dans les oeuvres de PLATON :

3 : Les attitudes, les relances (Michel TOZZI) :
“Il y a des attitudes clefs pour animer sur le fond une réflexion philosophique : questionner sur le sens d'un terme, d'une question; demander d'identifier les ressemblances et des différences, de préciser les distinctions entre notions; interroger une affirmation, exiger des raisons, solliciter des objections...
Certaines phrases sont utiles à cet effet, parce qu'elles induisent de tels processus de pensée :

Avec comme repères dans la tête : interroger; rapprocher/distinguer; définir; prouver/objecter, on peut trouver les formes linguistiques adéquates pour amorcer la réflexion. On peut aussi demander à la fin : Qu'est ce qu'on peut conclure de ce débat ? Ou :  La réponse à la question (la rappeler) ce pourrait être...? (ex: «on peut se déguiser en une autre personne mais on ne peut pas être une autre personne»).”

4 : Règles de la discussion philosophique (Oscar BRENIFIER. Cliquer ici pour consulter le texte complet) :

"[...] il s’agit en premier lieu de proposer des règles et de nommer un ou des responsables ou arbitres, qui garantiront le bon fonctionnement de ces règles. [...] la règle qui nous semble la plus indispensable est celle du « chacun son tour », de préférence en s’inscrivant chronologiquement au tour de parole géré par un de ces arbitres. [...] "

"Une des règles qui se révèle efficace est celle qui propose qu’une parole soit prononcée pour tous ou pour personne. [...] "

"Des dispositifs supplémentaires s’avèrent utiles à l’introduction de la pensée philosophique dans la discussion. Parmi ces diverses procédures, l’une d’entre elles nous paraît plus particulièrement efficace : la pratique du questionnement mutuel. Le principe en est simple. Une fois qu’une parole s’est exprimée sur un quelconque sujet, avant de passer à l’expression d’une autre perspective, avant de laisser la place à une autre réaction, un temps est réservé de manière exclusive aux questions. [...] Souvent, [le questionneur] se lancera dans un discours affirmatif avant de poser une question, s’y perdra, pour ne plus arriver à conclure et poser sa question. Au moment où il finira par s’en rendre compte, il réalisera qu’il est en train de développer ses propres idées, en ayant complètement oublié la pensée de la personne qu’il devait interroger. Une autre manière d’obtenir cette prise de conscience est de demander à l’interrogateur ce qui lui paraît essentiel dans ce que son interlocuteur a dit, ou de reformuler son discours, et l’on s’aperçoit alors que la difficulté de questionner vient en grande partie du manque d’attention et d’écoute."

"[...] il est important d’installer une dimension ludique et d’utiliser si possible l’humour, qui serviront de « péridurale » à l’accouchement. "

5 : Un outil pour analyser les débats d'élèves (Michel TOZZI) :

Je suis pour parce que Je suis contre parce que Type d'argument
ça sert, ça marche, c'est utile,
efficace, performant, réalisable
c'est inutile, inefficace, inadapté,
dépassé, impossible
technique
(1)
c'est gratuit, économique,
rentable, du meilleur coût,
rapport qualité-prix, temps-argent
trop cher, coûteux, d'un mauvais
rapport effort-résultat
économique
(2)
c'est logique, cohérent, rationnel,
prouvé, démontré, vérifié, compatible
illogique, incohérent, contradictoire,
indémontrable, invérifiable,
hypothéthique, illusoire
logique
(3)
c'est moral, correct, légitime, légal,
un droit, un devoir, une vertu,
une sagesse
illégitime, illégal, irrespectueux, injuste,
inégalitaire, dominateur, exploiteur,
aliénant, égoïste, un péché, une infraction
éthique
(4)

6 : Distinguer l'argumentation de la persuasion et de la démonstration (Jean-Marc LAMARRE) :

Pour Jean-Marc LAMARRE, tout débat n'est pas bon à prendre. Pour lui, seul "l'apprentissage de l'argumentation est aujourd'hui un objectif de l'ensemble du système scolaire." Il précise que "[...] pour clarifier les finalités de l'enseignement de l'argumentation et pour éviter certaines dérives, il est indispensable de faire la différence entre la persuasion et l'argumentation." C'est pourquoi il appelle à distinguer "d'une part l'argumentation de la persuasion et d'autre part l'argumentation de la démonstration".
A cette fin, il propose le tableau suivant :

Démonstration Argumentation Persuasion
formelle dialogique influence sur l'autre
vérité efficacité subordonnée à vérité vérité subordonnée à efficacité
certitude rationnelle conviction rationnelle croyance psychologique
auditoire universel auditoire particulier et visée
de l'auditoire universel
auditoire particulier (cibles)
mathématiques, logique,
formalisation des savoirs
droit, politique, éthique
philosophie
publicité, propagande,
séduction et manipulation

7. Des questions... (Marie-France DANIEL)

... pour stimuler la discussion en communauté de recherche

Quelles raisons as-tu pour justifier ton opinion ?
Pourquoi es-tu en accord (ou en désaccord) avec ... ?
Comment définirais-tu le terme que tu viens d'employer ?
Est-ce que ce que tu viens de dire est cohérent avec ce que tu disais auparavant ?
Pourrais-tu clarifier cette remarque ?
Est-ce possible que X et Y, vous vous contredisiez 1'autre ?
Quelles sont les différentes alternatives possibles ?
X, tu ne sembles pas avoir compris (ou être d'accord) avec ce que dit Y
Est-ce que quelqu'un peut donner un contre-exemple ?
Quelle est l'hypothèse qui s'ensuit de cet énoncé ?
Est-ce que quelqu'un pourrait aider X à clarifier son idée ?

... pour indiquer les erreurs de raisonnement

Quelles sont les raisons pour dire que ...?
Qu’est-ce qui te fait penser que à..?
Sur quelles bases crois-tu que ...?
Peux-tu fournir un argument qui appuierait ton opinion ?
Pourquoi crois-tu que ton point de vue est bon ?
Que peux-tu ajouter pour défendre ton point de vue ?

…pour chercher des hypothèses

Assumes-tu que ... ?
Est-ce que ce que tu viens de dire présuppose que .... ?
Est-ce que ce que tu viens de dire ne repose pas sur la notion ...?
Est-ce que ce que tu viens de dire est basé sur la croyance que ... ?

... pour que les élèves s'expriment davantage

Tu sembles vouloir dire que ...
Est-ce qu'il se pourrait que .. ?
Si je comprends bien, tu es en train d'affirmer que ...
J'ai l'impression que ...
Je me demande si ta position ne pourrait pas être vue comme ...
Est-ce que ça aiderait si j’exprimais tes vues ainsi ?
Concernant les points que tu viens de mentionner, sur lesquels mettrais-tu de l'emphase ?
Est-ce que je peux résumer ton argument comme cela ?
Pourrais-tu nous résumer en quelques mots ce que tu viens d'énoncer ?

…pour rechercher la cohérence

Précédemment, quand tu as utilisé le mot « ... », n'était-ce pas dans un sens différent de celui que tu emploies maintenant ?
Etes-vous réellement en désaccord l’un avec l'autre, ou bien dites-vous la même chose, mais de deux façons différentes ?
Il me semble qu'il y a une contradiction directe entre ces deux points de vue ...
Seulement pour élaborer un instant sur ce point, serait-il cohérent d'ajouter que ...
Tes énoncés sont cohérents, mais tu pourrais toutefois être dans l'erreur parce que ...

[LA PHILOSOPHIE EST-ELLE UTILE ?] [LA PHILOSOPHIE A L'ECOLE] [NOTRE EXPERIENCE]
[Accueil] [Sommaire] [Biblio] [Bio] [Liens] [Annexes] [Agenda]